Traumavertissement: L’article suivant présente des informations sur les troubles alimentaires qui peuvent être dérangeantes pour certaines personnes, car il vise à décrire certaines complications médicales qui peuvent avoir lieu en conséquence de la boulimie nerveuse. N’hésite pas à nous contacter si tu as des questions.
Souffre-tu ou connais-tu quelqu’un qui souffre d’un trouble alimentaire ? Dans notre dernier article, on a exploré quelques-unes des complications médicales de l’anorexie mentale. Dans cette deuxième partie, on fera de même pour la boulimie nerveuse.
Qu’est-ce que la boulimie ?
La boulimie nerveuse (BN) se caractérise par des cycles de frénésie alimentaire (alias, d’accès hyperphagiques, ou de « binges »), suivies de comportements de purge (1). Ce cycle entraîne généralement des sentiments de culpabilité et de honte, et certaines personnes font tout leur possible pour garder leurs actes secrets, ce qui peut rendre difficile leur détection par leurs proches.
Les binges se caractérisent par l’ingestion de grandes quantités de nourriture en peu de temps et par un sentiment de perte de contrôle sur les choix alimentaires et les portions. Les purges se caractérisent par des comportements visant à compenser la quantité de nourriture consommée, afin d’éviter une prise de poids. Ces comportements peuvent inclure :
- Vomissements auto-induits (VAI) – le comportement le plus courant
- L’utilisation abusive de laxatifs, de diurétiques ou de lavements
- Périodes de jeûne ou de restriction alimentaire extrême
- Exercice physique excessif
Selon les critères diagnostiques du DSM-5 (la 5e édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), les personnes souffrant de BN ont tendance à binger au moins une fois par semaine pendant au moins trois mois et à ressentir de graves préoccupations concernant leur image corporelle et leur poids (1). Les personnes souffrant de BN ont souvent un poids « normal », ce qui les distingue généralement de l’anorexie mentale.
Une remarque sur les purges
L’anorexie mentale (AM) se caractérise par une restriction calorique sévère et une image corporelle déformée, qui emmène à un poids corporel très faible et à une peur intense de prendre du poids.
Il est important de reconnaître que, bien qu’il puisse sembler logique à l’esprit du trouble alimentaire de compenser les aliments consommés en trouvant des moyens d’éliminer les calories, aucune méthode de purge n’est efficace pour éliminer les calories consommées ou pour prévenir la prise de poids (3). En ce qui concerne les vomissements, les recherches montrent que le corps retient au moins 40 à 75 % des calories consommées, même si la purge est effectuée immédiatement après avoir mangé (3,4). Cela s’explique en partie par le fait que la digestion (et donc l’absorption des calories) commence déjà avant que les aliments n’atteignent l’estomac (4).
Il est également faux de croire que les laxatifs et les diurétiques peuvent aider à contrôler le poids, car ces deux substances modifient la masse hydrique et non le poids corporel (3,4). Les laxatifs agissent sur le gros intestin, qui est le dernier endroit du système digestif où les calories peuvent être absorbées. Bien que les laxatifs puissent entraîner une perte d’environ 10 % des calories consommées, la plupart des calories et des nutriments sont absorbés de la bouche à l’intestin grêle avant d’atteindre le gros intestin (3). Quant aux diurétiques, ils ne jouent aucun rôle dans l’absorption des calories, ce qui signifie qu’ils ne font que déshydrater le corps (3).
Quelques complications médicales de la boulimie
Les complications de la boulimie ont tendance à découler des différents comportements de purge adoptés. Dans le cadre de cet article, on examinera les complications liées au VAI et à l’abus de laxatifs et de diurétiques, car les effets de la restriction et de l’exercice excessif sont similaires à ceux décrits dans notre article précédent.
Considérations relatives à la santé mentale et émotionnelle
Les personnes atteintes de boulimie peuvent devenir plus impulsives, plus intenses et plus sensibles aux émotions, et présenter des changements d’humeur importants (3). Plus de 70 % des personnes souffrant de troubles alimentaires signalent également la cooccurrence d’autres troubles de santé mentale, dont les suivants sont le plus souvent signalés avec la BN (1,2) :
- L’anxiété
- La dépression
- Le trouble obsessionnel-compulsif
- Le trouble de stress post-traumatique (ou des antécédents de traumatisme)
- Les troubles liés à la consommation de substances
- Les comportements d’automutilation
- L’idéation suicidaire

Souvent, les personnes souffrant de boulimie utilisent les binges/purges pour tenter d’autoréguler des émotions pénibles, bien qu’elles puissent également s’en servir pour s’autopunir (3). Un exemple de ce phénomène peut être le fait de s’engager dans un cycle de binge et de restriction, comme le montre le graphique ci-dessous. NB : le graphique illustre un déroulement habituel de ce cycle, bien qu’il existe de nombreuses autres façons de le vivre :

Conséquences des vomissements auto-induits
Un signe évident du VAI est le signe de Russell, où des callosités se développent sur le dessus de la main dominante – les dents raclent la main de manière répétée lorsque l’on essaie de provoquer le réflexe nauséeux pour vomir (2). Toutefois, ce signe n’est pas toujours présent, car certaines personnes sont capables de vomir « sur commande » ou peuvent utiliser d’autres outils pour déclencher leur réflexe nauséeux (comme des cuillères ou d’autres objets) (2).
D’autres signes du VAI incluent des changements au niveau des dents et de la bouche, notamment des douleurs dentaires, des caries, une décoloration et/ou une érosion (2,3). Compte tenu de l’acidité de la purge, l’érosion de l’intérieur et des coins de la bouche, ainsi que de la gorge, peut provoquer une inflammation et une sensibilité de ces zones (2). Elle peut également rendre la voix rauque ou entraîner des douleurs ou des difficultés à avaler (appelées respectivement odynophagie et dysphagie) avec le temps (2). Plus grave, il existe un risque accru de pneumonie d’aspiration, c’est-à-dire qu’une infection peut se développer dans les poumons si de la salive, des aliments, des vomissures ou d’autres substances sont inhalés (ça a été « avalé de travers ») (2,3).
Chez près de 50 % des personnes qui se font vomir, un gonflement des glandes salivaires et parotides peut survenir, généralement après 3 à 6 jours de purge (2,3). Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène : les glandes sont incitées à produire plus de salive, les glandes se sont élargies pour répondre à la demande de production supplémentaire de salive causée par les vomissements, ou en raison d’une accumulation de salive après l’arrêt des vomissements (2).
La tension provoquée par les vomissements peut entraîner une sensibilité de l’estomac et de l’abdomen, ainsi que le syndrome de Mallory-Weiss, qui se caractérise par des déchirures de l’œsophage qui peuvent entraîner des vomissements de sang (3).
Les ballonnements, les flatulences, la constipation et les douleurs d’estomac sont d’autres symptômes gastro-intestinaux fréquents (3). En cas VAI récurrent, l’œsophage peut s’enflammer et développer de petites plaies et des ulcères, et le sphincter inférieur (comme une bande qui ouvre et ferme la connexion entre l’œsophage et l’estomac) peut s’affaiblir, entraînant des crises soudaines de reflux (3). L’exposition répétée de la membrane de l’œsophage aux acides de l’estomac peut également provoquer une affection appelée œsophage de Barrett, qui augmente le risque de certains cancers de l’œsophage (2,3).

Conséquences de l’abus de laxatifs et de diurétiques
Purger plus de deux fois par semaine à l’aide de laxatifs et de diurétiques, mais aussi de VAI, peut entraîner des cycles dangereux de déshydratation qui peuvent conduire à de nouvelles purges (3). Le corps se déshydrate et s’adapte naturellement en retenant davantage d’eau (pour survivre), ce qui peut entraîner un gonflement du corps, et donc une augmentation temporaire de la masse hydrique (3). Les personnes souffrant de BN perçoivent souvent cela comme une véritable prise de poids et se sentent obligées de se purger, ce qui relance le cycle (3).
Bien que la déshydratation soit également nocive, ce sont les changements d’électrolytes qui en résultent qui ajoutent au danger. L’électrolyte le plus préoccupant est le potassium, qui diminue dans le sang. Les baisses de potassium peuvent entraîner une faiblesse musculaire, de la fatigue, des vertiges, de la constipation et, plus grave encore, des palpitations cardiaques (qui peuvent conduire à des arythmies et à la mort par arrêt cardiaque) (3,4).
Les troubles gastro-intestinaux sont fréquents en cas d’abus de laxatifs. Il peut s’agir de symptômes semblables à ceux du syndrome de l’intestin irritable, comme l’alternance de diarrhée et de constipation, mais des conséquences plus graves peuvent survenir, comme la malabsorption des nutriments, la faiblesse musculaire, les saignements rectaux, les lésions pancréatiques, les convulsions, etc (3). Un usage fréquent de laxatifs accroît également la tolérance, ce qui signifie qu’il faut des doses plus importantes pour obtenir les mêmes effets et que les risques de conséquences augmentent (3).
En ce qui concerne spécifiquement l’abus de diurétiques, il est possible d’utiliser des médicaments sur ordonnance ou en vente libre, bien que ces derniers ne soient généralement pas aussi efficaces pour réduire la rétention d’eau (3). Les diurétiques en vente libre contiennent généralement des doses plus élevées de caféine, ce qui peut entraîner des symptômes tels que des troubles du sommeil, de la nervosité, des nausées et une accélération du rythme cardiaque (3). Les diurétiques sur ordonnance peuvent avoir des conséquences plus graves, telles que des palpitations cardiaques, la présence de sang dans les urines, la constipation, la détérioration de la fonction rénale (néphropathie), etc (3).

Conclusion
La boulimie est un trouble alimentaire complexe qui peut se présenter différemment selon la personne. Le point commun de la boulimie est qu’elle implique des cycles d’hyperphagie et de purge, et que ce sont les conséquences de la purge qui affectent le plus la santé physique et la qualité de vie. Quel que soit le comportement de purge utilisé, son inefficacité ne fait qu’ajouter au mal qu’il peut causer. Il est essentiel de travailler au rétablissement pour prévenir les complications à long terme et trouver des outils plus favorables à la santé pour faire face à la vie.
Ne manque pas les deux derniers articles de cette série, qui décrivent les conséquences de l’hyperphagie, ainsi que l’impact du rétablissement de troubles alimentaires sur la restauration de la santé. Si toi ou un.e de tes proches est touché.e par un trouble alimentaire, n’hésite pas à contacter l’équipe de Sööma pour obtenir du soutien, au (514) 437-4260 ou par courriel à l’adresse info@sooma.ca. Tu peux aussi prendre rendez-vous avec un de nos professionnels directement en cliquant sur ce lien.
Par: Justine Chriqui, Diététiste Professionnelle
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Références
- Bulimia Nervosa. (n.d.). National Eating Disorder Information Centre. Retrieved from https://nedic.ca/eating-disorders-treatment/bulimia-nervosa/
- Nitsch, A., Dlugosz, H., Gibson, D., & Mehler, P. S. (2021). Medical complications of Bulimia Nervosa. Cleveland Clinic Journal of Medicine, 88(6), 333–343. https://doi.org/10.3949/ccjm.88a.20168
- Herrin, M., & Larkin, M. (2013). Nutrition counseling in the treatment of eating disorders (2nd ed.). Routledge/Taylor & Francis Group.
- Targowski, K., Bank, S., Carter, O., Campbell, B. & Raykos, B. (2022). Break Free from ED – Module 9: Purging. Perth, Western Australia: Centre for Clinical Interventions. Retrieved from https://www.cci.health.wa.gov.au/~/media/CCI/Consumer-Modules/Break-Free-From-ED/Break-Free-From-ED—09—Purging.pdf