Traumavertissement : L’article suivant présente des informations sur les troubles alimentaires qui peuvent être dérangeantes pour certaines personnes, car il vise à décrire certaines complications médicales qui peuvent avoir lieu en conséquence de l’hyperphagie boulimique. N’hésite pas à nous contacter si tu as des questions.
Les troubles de comportement alimentaires (TCAs) sont des troubles mentaux complexes qui ont un impact sur la vie de plus d’un million de Canadiens (1). Dans les deux premières parties de cette série, nous avons exploré certaines des conséquences médicales de l’anorexie mentale et de la boulimie nerveuse. Dans cette troisième partie, nous ferons de même avec l’hyperphagie boulimique.
Qu’est-ce que l’hyperphagie ?
L’hyperphagie boulimique (HB) a une prévalence au cours de la vie presque deux fois supérieure à celle de l’anorexie et de la boulimie, ce qui en fait l’un des TCAs les plus fréquents (2). Comme la boulimie, l’HB se caractérise par des épisodes récurrents de frénésie alimentaire (alias « binges »), mais sans comportement compensatoire ou de purge par la suite (3).
Les binges versus la suralimentation – quelle est la différence ?
“Binger” et “suralimenter” sont des termes parfois utilisés de manière interchangeable, mais il y a de grandes différences entre les deux. La suralimentation est le fait de manger au-delà du point de satiété confortable, ce qui peut se produire de temps en temps dans le cadre d’une alimentation normale, sans trouble alimentaire. Par exemple, imaginons que tu assistes à un « potluck » où tout le monde apporte un ou deux plats à partager. Tu peux avoir l’impression d’avoir trop mangé en remplissant ton assiette pour une deuxième ou une troisième fois, alors que tu arrêtes habituellement de manger après une seule portion.
Binger est l’expérience d’une suralimentation régulière, à laquelle s’ajoute le sentiment de ne pas pouvoir contrôler la vitesse, la quantité et le type d’aliments consommés. L’HB (par définition) se produit au moins une fois par semaine pendant au moins trois mois et entraîne des sentiments de détresse légère à extrême.
Une personne peut être plus vulnérable aux binges pour une multitude de raisons, notamment une grande faim (en particulier si elle a été précédée d’une restriction), une détresse émotionnelle, des situations sociales impliquant de la nourriture (en particulier des aliments que l’on ne se permet généralement pas de manger), « céder » aux envies alimentaires (où une personne peut continuer à manger parce qu’elle s’est déjà « plantée » – comme manger plusieurs pointes de pizza parce qu’elle se sent déjà en excès), et bien plus encore.
Quelques mots sur les binges
En pratique, il existe deux principaux types de binges, indépendamment du type de trouble alimentaire (comme l’anorexie de type binge-purge, la boulimie ou l’HB). La première est le binge objectif, qui est la définition « classique » d’un binge : le sentiment de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange et la quantité que l’on mange, tout en consommant une quantité exceptionnellement importante de nourriture en peu de temps (3). Un binge objectif comprend également au moins trois des éléments suivants (3) :
- Manger très rapidement
- Manger malgré les signaux de faim et de satiété
- Manger au-delà du point de satiété confortable (où cela peut devenir douloureux)
- Manger seul pour éviter de se sentir jugé par ce que l’on mange et par la quantité que l’on mange.
- Se sentir coupable, déprimé ou dégoûté de soi-même.
Il existe également le binge subjectif, qui peut ressembler exactement comme un binge objectif pour la personne qui le vit, mais qui ne correspond pas à la « qualification » de manger une grande quantité de nourriture en peu de temps (2,4). Les binges subjectifs sont souvent ressentis comme des binges parce que les aliments consommés semblent interdits à la personne.
Prenons l’exemple de trois personnes, Karl, Antoine et Tina, qui se servent des biscuits. Karl peut se sentir mal à l’aise et comme s’iel perd le contrôle en mangeant trois biscuits, alors qu’Antoine mangerait cette portion comme sa portion normale. Tina peut se sentir incitée à binger et à manger une boîte entière de biscuits et une pizza moyenne en 15 minutes, ce qui peut être un binge moins important pour elle. Les expériences de Karl et de Tina sont tout à fait valables et montrent également la différence entre un binge subjectif et un binge objectif. En ce qui concerne les binges subjectifs, cela peut également montrer comment les aliments interdits et les règles alimentaires peuvent jouer un rôle plus important dans l’expérience et les vulnérabilités personnelles à binger.
Il est important de noter que les binges subjectifs et objectifs sont traités de la même manière, car ils représentent tous les deux des pensées, des habitudes et des comportements alimentaires désordonnés.

Quelques complications médicales de l’hyperphagie boulimique
L’expérience de l’HB est unique pour chaque personne, et les comportements peuvent sembler très protecteurs sur le moment. En même temps, les binges peuvent souvent être un moyen de reprendre le contrôle lorsqu’une personne se sent hors de contrôle, ou de fuir l’inconfort (2). L’HB peut entraîner diverses conséquences physiques et psychologiques qui peuvent avoir un impact considérable au quotidien et à long terme.
Les conséquences physiques
Les binges peuvent entraîner des symptômes gastro-intestinaux désagréables, tels que des maux d’estomac, des douleurs abdominales, des brûlures d’estomac, des ballonnements, des nausées, de la constipation ou de la diarrhée (2). Cela peut également affecter la capacité d’une personne à reconnaître et/ou à répondre à ses signaux de faim et de satiété (2).
Plus important encore, les épisodes fréquents de binges peuvent sur-stimuler les fibres nerveuses de l’estomac, ce qui peut entraîner un fonctionnement différent de l’estomac et le faire dilater, augmentant ainsi le risque d’hypertrophie et de déchirure de l’estomac (2). L’estomac peut alors laisser échapper des aliments ou des sécrétions digestives dans l’abdomen et provoquer des symptômes tels que des douleurs aiguës et intenses, des ballonnements, des nausées et des vomissements spontanés, etc (2).
Les personnes souffrant de l’HB peuvent également présenter un risque accru de développer des pathologies telles que le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, la dyslipidémie et des troubles gastro-intestinaux, comme les brûlures d’estomac et la dysphagie (c’est-à-dire la difficulté à avaler) (5).
Enfin, bien qu’il soit normal que notre corps et notre poids changent au cours de notre vie, les personnes atteintes de l’HB connaissent souvent des fluctuations de poids plus régulières, en particulier lorsqu’elles se restreignent (2). Cela peut être extrêmement stressant et conduire à certains des impacts psychologiques et comportementaux de l’HB, comme indiqué ci-dessous.

Les conséquences psychologiques et comportementaux
Comme pour d’autres troubles alimentaires, les personnes souffrant de l’HB présentent souvent des niveaux plus élevés de troubles mentaux comorbides, tels que l’anxiété et la dépression (5). Les binges peuvent améliorer temporairement l’humeur ou servir à « fuir » les difficultés rencontrées (2). Parallèlement, les binges peuvent également entraîner divers sentiments négatifs tels que la honte, la culpabilité et des préoccupations liées à l’image corporelle (2).
En raison de certains de ces sentiments, la personne peut être très secrète en ce qui concerne la nourriture et ne binge qu’en toute solitude (2). Pour de nombreuses personnes, les binges se passent la nuit, ce qui peut également entraîner des troubles du sommeil, qu’il s’agisse de se réveiller pour manger tard dans la nuit ou d’essayer de s’endormir en étant péniblement plein (2).
Les personnes souffrant d’HB éprouvent souvent de grandes difficultés avec l’estime et l’acceptation de soi, ce qui peut se manifester par un dégoût de soi (2). Comme pour d’autres troubles alimentaires, les personnes souffrant de l’HB accordent une grande importance à leur poids et à leur apparence, ce qui peut être angoissant si leur poids fluctue (2). La perception d’un manque de contrôle sur l’alimentation n’aide pas à résoudre ce problème, car la détresse causée par les préoccupations liées à l’image corporelle peut également entraîner une augmentation de binges pour gérer la situation.

Conclusion
L’hyperphagie boulimique est un trouble alimentaire complexe qui peut avoir des répercussions néfastes sur la santé physique et mentale. Qu’il s’agisse de binges objectifs ou subjectifs, la perception d’un manque de contrôle sur l’alimentation peut être une expérience incroyablement difficile à vivre. Travailler au rétablissement peut aider les personnes souffrant de l’HB à comprendre et à explorer leurs déclencheurs personnels et leurs vulnérabilités à binger, à réduire et à arrêter les binges, et à améliorer leur relation alimentaire et corporelle.
Reste à l’affut pour la quatrième et dernière partie de cette série où nous explorerons les impacts du rétablissement des troubles alimentaires sur le restauration de la santé. Si toi ou quelqu’un de ton entourage est touché par l’HB ou un autre trouble alimentaire, n’hésite pas à contacter l’équipe de Sööma pour obtenir du soutien, au (514) 437-4260 ou par courriel à info@sooma.ca. Tu peux aussi prendre rendez-vous avec un de nos professionnels directement en cliquant sur ce lien.
Par: Justine Chriqui, Diététiste Professionnelle
Sööma est une entreprise bilingue qui fonctionne en anglais et en français. Nous fournissons des articles de blogue, des recettes et des articles de diverses sources qui sont parfois écrits en anglais et parfois en français. Si vous vous sentez incapable d’accéder à un article ou à un sujet spécifique en raison d’une barrière linguistique, veuillez nous contacter à info@sooma.ca et nous serons heureux de traduire le contenu pour vous.
Sööma is a bilingual company that operates in both English and in French. We will provide blog posts, recipes and articles from various sources that are sometimes written in English and sometimes in French. If you feel unable to access a specific article or topic due to a language barrier, please reach out to us at info@sooma.ca and we will be happy to translate the content for you.
Références
- National Initiative for Eating Disorders. (n.d.). Eating Disorders in Canada. Retrieved from https://nied.ca/about-eating-disorders-in-canada/
- Herrin, M., & Larkin, M. (2013). Nutrition counseling in the treatment of eating disorders (2nd ed.). Routledge/Taylor & Francis Group.
- Binge Eating Disorder. (n.d.). National Eating Disorder Information Centre. Retrieved from https://nedic.ca/eating-disorders-treatment/binge-eating-disorder/
- Brownstone, L. M., Mihas, P., Butler, R., Maman, S., Peterson, C. B., Bulik, C. M., & Bardone-Cone, A. M. (2021). Lived experiences of subjective binge eating: An inductive thematic analysis. International Journal of Eating Disorders, 54(12), 2192–2205. https://doi.org/10.1002/eat.23636
- Sheehan, D. V., & Herman, B. K. (2015). The Psychological and Medical Factors Associated With Untreated Binge Eating Disorder. The primary care companion for CNS disorders, 17(2), 10.4088/PCC.14r01732. https://doi.org/10.4088/PCC.14r01732