Les personnes transgenres et non binaires ont un risque accru de développer des troubles alimentaires comparé aux personnes cisgenres. Des recherches récentes menées auprès de jeunes transgenres au Canada âgés de 14 à 18 ans ont montré que 42 %, 48 % et 18 % ont déclaré s’engager dans des crises de boulimie, à un jeûne et à des vomissements pour contrôler leur poids, respectivement [1].

Pourquoi les personnes de diverses identités de genre sont-elles susceptibles de souffrir de troubles alimentaires ?
Avec ces taux élevés de troubles alimentaires, vous vous demandez peut-être pourquoi les personnes de diverses identités de genre sont plus susceptibles de les avoir?

Avant de répondre à cette question, il est important de comprendre les définitions distinctes de la dysphorie de genre et de la dysmorphie corporelle.
DYSPHORIE DE GENRE
Comprend une insatisfaction intense en raison d’un décalage entre le moi extérieur d’une personne et sa propre perception du genre. Par exemple, cela peut inclure le désir de se débarrasser des caractéristiques sexuelles primaires (ex. organes génitaux) et/ou secondaires (ex. seins, poils faciaux, élargissement des hanches et la pomme d’Adam), d’avoir les caractéristiques sexuelles d’un sexe différent, et/ou un fort désir d’être d’un sexe différent et d’être traité comme tel.
DYSMORPHIE CORPORELLE
Comprend une insatisfaction intense due à une distorsion perçue du poids et de la forme du corps et/ou une préoccupation concernant le poids et la forme du corps.
Plus une personne ressent une dysphorie de genre, plus cette personne éprouve une insatisfaction corporelle. On pense que l’insatisfaction corporelle joue un rôle central dans l’apparition et le maintien des troubles alimentaires. Chez les jeunes et les adolescents de diverses identités de genre, un facteur majeur contribuant à l’insatisfaction corporelle est le changement pubertaire et le développement de caractères sexuelles secondaires. Ainsi, les personnes transgenres et non binaires présentent un risque élevé de troubles alimentaires.
De plus, parmi les jeunes qui s’identifient comme étant de de diverses identités de genre, il existe un stress associé au fait d’être une minorité de genre, notamment la stigmatisation, l’intimidation, les problèmes de sécurité et le potentiel de rejet familial. De nombreuses personnes de diverses identités de genre vivent un stress auquel les personnes cisgenres ne pensent souvent pas. Par exemple, la disponibilité de salles de bains non genrées dans les lieux publics. Ce facteur de stress peut conduire à l’omission de manger et de boire. L’effet cumulatif de tous les facteurs de stress liés aux minorités sexuelles peut avoir un impact négatif sur la santé.
Difficultés courantes rencontrées par les personnes de diverses identités de genre lors de la recherche d’un traitement
Une étude récente publiée en 2016 a montré que 40% des participants cachaient leur identité de genre et ne la divulguait pas lorsqu’ils cherchaient un traitement pour un trouble alimentaire [2]. Les raisons invoquées pour avoir caché leur identité de genre comprenaient la peur de la stigmatisation et de la discrimination en raison d’expériences passées négatives dans le cadre des soins de santé [2]. Malheureusement, il n’est pas rare que les voix des personnes transgenres et non binaires soient rejetées ou réduites au silence. Ces personnes craignent souvent que leur sexe les empêche de recevoir un traitement approprié ou que leurs problèmes médicaux soient ignorés en raison de leur sexe [2]. Cela peut être en partie dû à un manque d’accès à des soins affirmant le genre et à une discrimination à la fois directe et subtile à l’encontre de la population d’identité de genre diverse par les prestataires de soins de santé. Il a été démontré que cela est le principal contributeur aux soins de santé sous-optimaux dans ce groupe. De plus, le non-respect de leur identité de genre peut empiéter sur le succès du traitement [3]. Dans les cas où l’identité de genre est exposée à leur fournisseur de soins de santé, les jeunes trans et non binaires pourraient avoir peur de ne pas passer (c’est-à-dire que les gens soient perçus comme leur vrai sexe, et pas comme le sexe attribué à la naissance).
Comment favoriser un environnement sécuritaire pour les personnes de diverses identités de genre ?

CONSENTEMENT
Obtenir le consentement éclairé lors de la séance et s’assurer que le client, le personnel et la famille connaissent les lois sur le consentement.

CONSIDÉRATIONS LINGUISTIQUES
Demander le nom et les pronoms du client. Écouter et valider ses émotions et démontrer que ses besoins sont pris au sérieux tout en adoptant une posture d’ouverture et d’humilité.

LA VALIDATION DE L’ACCEPTATION DU CORPS
Valider qu’il est normal de ne pas aimer son corps dans une société qui nous dit constamment que quelque chose ne va pas. Il est normal de changer son corps pour s’adapter à son vrai genre et vouloir s’intégrer à la société. Comprendre si l’acceptation du corps est une question de dysphorie de genre, et/ou d’avoir intériorisé un standard de beauté irréaliste, et/ou une dysmorphie corporelle.

COMPRENDRE LA DYSPHORIE DE GENRE
Il est important de comprendre les facteurs contribuant à l’insatisfaction corporelle et leur lien avec les comportements alimentaires désordonnés qui peuvent viser à diminuer ou à empêcher le développement des caractères sexuelles secondaires. De même, la compréhension des attentes sociétales concernant la taille et la forme du corps et l’influence des médias sur le degré de masculinisation et de féminisation n’est pas réalisable à la fois par les personnes cisgenres et transgenres.
Conclusion
Le fournissement des soins inclusifs aux personnes de diverses identités de genre pourrait modifier l’accès au traitement des troubles alimentaires. En tant que fournisseur de soins de santé, il est de votre devoir de recevoir une formation sur ce sujet afin que vos patients et clients se sentent entendus et en sécurité dans votre bureau – ce n’est pas le rôle du client de vous éduquer. Dans le prochain article de blogue, nous aborderons spécifiquement le rôle de la nutritionniste/diététiste dans ce traitement. Si vous craignez de souffrir d’un trouble alimentaire et que vous ne savez pas vers qui vous tourner pour des soins inclusifs, veuillez contacter notre équipe à info@sooma.ca ou au 514-437-4260.
Écrit par
Aviva Rappaport
Diététiste Professionnelle
Références
- Watson RJ, Veale JF, Saewyc EM: Disordered eating behaviors among transgender youth: Probability profiles from risk and protective factors. Int J Eat Disord 2017, 50:515-522.
- Duffy ME, Henkel KE, Earnshaw VA: Transgender Clients’ Experiences of Eating Disorder Treatment. J LGBT Issues Couns 2016, 10:136-149.
- Grant J, M,, Mottet L, A,, Tanis J, Harrison J, Herman J, L,, Keisling M: Injustice at Every Turn: A Report of the National Transgender Discrimination Survey. vol. 2011. Washington: National Center for Transgender Equality and National Gay and Lesbian Task Force; 2011.